L'Histoire du territoire du Grand Arras

Le territoire du Grand Arras porte les traces d’une histoire riche et mouvementée, qui prend racine à la fin de la République romaine, il y a près de 2 000 ans. Depuis l’antique Némétacum jusqu’à l’actuelle ville d’Arras, cette terre n’a cessé de susciter les convoitises, traversant les âges sous diverses influences : gallo-romaine, franque, espagnole, puis française. Nous vous invitons à remonter le fil du temps pour mieux comprendre les grandes étapes qui ont façonné l’identité de ce territoire singulier.

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Deux millénaires d’héritages

Bien avant de devenir Arras, la ville s’appelait Nemetacum, capitale du peuple celte des Atrébates. En 56 av. J.-C., les Romains conquièrent la région et en font un centre administratif de la Gaule Belgique
D’abord allié de César, le roi Commios se révolte et rejoint Vercingétorix dans la résistance contre l’envahisseur. Une opposition héroïque… mais vite réprimée.

La romanisation transforme le territoire : développement urbain, réseau routier, commerce. Nemetacum devient un carrefour important du nord de la Gaule.

En 451, Attila et les Huns traversent la région. Après eux, l’Arrageois entre dans le Haut Moyen Âge, marqué par l’évangélisation. 
C’est l’époque de Saint-Vaast, premier évêque d’Arras, qui christianise la population. Une légende raconte qu’il aurait chassé un ours de la future cathédrale, symbole de la victoire du sacré sur la nature sauvage.

En 1105, un miracle marial marque les esprits : une procession contre une épidémie de “mal des ardents” (intoxication à l’ergot de seigle) aboutit à sa disparition. C’est la naissance de la fête de la Sainte-Chandelle, toujours célébrée.

Au XIIe siècle, Arras est en plein essor sous l’influence des comtes de Flandre :

  • La ville se spécialise dans le textile (draps, tapisseries) ;
  • Ses marchés attirent commerçants de toute l’Europe ;
  • Son école de poésie courtoise fait rayonner la langue d’oïl (terme qui regroupe plusieurs dialectes de la moitié nord de la France et de l’actuelle Belgique wallonne, par opposition à la langue d’oc).

Au XIVème siècle, l’industrie drapière atteint un sommet. Les “tapisseries d’Arras” s’exportent jusqu’en Orient.

La position stratégique d’Arras en fait un enjeu des luttes de pouvoir :

  • Bourguignonne au XVème siècle, la ville passe brièvement à la France en 1479 ;
  • Retournée aux Habsbourg en 1491, elle est âprement disputée par François Ier et Charles Quint. C’est finalement ce dernier qui triomphe de son adversaire emprisonné. Arras passe ainsi sous le joug des Pays-Bas espagnols en 1526.  

En 1640, Louis XIII reprend Arras après un long siège. En 1654, Turenne, l’un des plus célèbres généraux de son successeur Louis XIV, repousse les Espagnols lors du célèbre secours d’Arras, moment décisif de la guerre franco-espagnole. 
L'ingénieur Vauban, alors jeune officier, participe au siège. Il revient en 1668 pour construire la Citadelle, symbole de puissance… mais aussi de méfiance : Louis XIV voulait surtout tenir la ville sous contrôle

La Citadelle est confiée à Pierre de Montesquiou d’Artagnan, gouverneur d’Arras entre 1693 et 1716. Il était le cousin du célèbre mousquetaire, Charles de Batz-Castelmore, lui aussi comte d’Artagnan. Ce dernier avait participé au siège de 1640.

Autre figure liée à l’épisode : Savinien de Cyrano, militaire et écrivain, qui inspira le Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand.

Au XVIIIème siècle, deux figures majeures naissent à Arras :

  • Maximilien de Robespierre, futur acteur central de la Révolution française ;
  • Eugène-François Vidocq, ancien forçat devenu chef de la police et pionnier de la criminologie moderne. 

En 1846, l’arrivée du chemin de fer relie Arras à Paris et relance l’économie, bien que freinée par la montée du pôle Lille-Roubaix-Tourcoing. 
La ville démolit une partie de ses remparts et trace de nouveaux boulevards. C’est aussi une ville de garnison.

Verlaine et Corot s’inspirent des paysages alentours. En 1912, le commandement militaire d’Arras est assuré par le général Pétain ; un jeune officier, Charles de Gaulle, y sert comme sous-lieutenant. 

Durant la Première Guerre mondiale, Arras devient un théâtre majeur de combats. Les souterrains médiévaux sont utilisés par les Alliés pour les offensives. La ville est en ruines à l’armistice.

Aujourd’hui, l’Arrageois abrite 264 cimetières militaires de 14-18, dont plusieurs sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO (Citadelle, beffroi, nécropoles).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville est de nouveau occupée. Entre 1941 et 1944, 218 résistants de différentes nationalités sont fusillés dans les fossés de la Citadelle. 

Des témoignages

Trois phrases…

« Quand je suis en Nouvelle-Zélande, je passe mon temps à montrer des photos d’Arras et à convaincre les gens de venir ici ! »  

Peter Jackson

« Arras, c’est pour moi la plus belle ville de France (…) Quand j’ai quitté Arras pour monter à Paris, ce fut une déchirure. »

Jean-Louis Fournier

« On est monté sur scène et je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi beau. On a eu un choc. C’est un souvenir que je garde proche de mon cœur. En arrivant à Arras, on ne savait pas que ça allait être aussi mémorable ! »

Brian Molko

…Et pas prononcées par n’importe qui !

La première est l’œuvre du réalisateur néo-zélandais Peter Jackson, auteur des trilogies du Seigneur des Anneaux et du Hobbit. L’homme aux dix-sept Oscars vient fréquemment dans l’Arrageois. Il prend plaisir à arpenter un réseau de 22 km de galeries souterraines creusées au Moyen-Âge et qui, en 1917, ont été aménagées par des tunneliers néo-zélandais pour servir d’abri à quelque 24000 soldats du Commonwealth. Parmi eux, un grand oncle de l’épouse de Peter Jackson, dont ce dernier aimerait tant retrouver une inscription gravée quelque part dans la roche…  

La deuxième citation est de l’écrivain Jean-Louis Fournier. Le Prix Femina 2008, complice de Pierre Desproges et auteur de Où on va papa ?, Il a jamais tué personne mon papa, Le Curriculum vitae de Dieu, ou encore du Dictionnaire amoureux du Nord, a longtemps vécu dans cette cité atrébate qu’il chérit.

Enfin, la troisième et dernière citation est de Brian Molko. Le chanteur et leader du groupe de rock alternatif britannique Placebo, par deux fois tête d’affiche du Main Square Festival d’Arras, l’un des plus grands festivals d’Europe. 

La guerre à Arras : deux batailles, deux époques

À la fin de l’année 1916, la Première Guerre mondiale s’enlise. Verdun et la Somme ont été le théâtre d’affrontements très lourds sur le plan humain :

  • Verdun : 500 000 soldats français tués, blessés ou disparus.
  • La Somme : près d’un million de victimes (498 000 Britanniques, 440 000 Français).

Malgré ces pertes colossales, le front reste figé. Les espoirs de victoire semblent lointains, les soldats sont à bout. 

Pour rompre l’impasse, les Alliés planifient une nouvelle percée en avril 1917 : l’offensive du Chemin des Dames. En amont, une opération de diversion est lancée dans le secteur d’Arras, mobilisant des troupes venues de tout l’Empire britannique : Anglais, Écossais, Irlandais, Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais... Au total, plus de 40 nationalités seront engagées dans les combats en Artois.

Les souterrains d’Arras : une ville sous la ville

À Arras, ville caserne, des tunneliers néo-zélandais aménagent un impressionnant réseau souterrain. Ces galeries, baptisées Wellington, Auckland ou encore Glasgow, accueillent :

  • postes de commandement
  • hôpitaux
  • chapelles
  • cuisines et latrines

Objectif : abriter 24 000 soldats en vue d’un assaut surprise.

9 avril 1917 : début de la bataille d’Arras

L’offensive est lancée : 

  • Les Canadiens s’emparent de la crête de Vimy, un acte fondateur pour leur nation.
  • Les Australiens combattent à Bullecourt.

On espère un moment reprendre le bassin minier exploité par l’ennemi depuis 1914, mais l’élan est stoppé. L’échec de « l’opération Nivelle » au Chemin des Dames signe une nouvelle impasse.

Bilan de la bataille d’Arras (1917) 

  • 150 000 victimes côté allié,
  • 120 000 côté allemand. 

Mal connue en France, la bataille d’Arras est pourtant un symbole majeur dans la mémoire britannique. 

Arras sera de nouveau un point stratégique lors de la Seconde Guerre mondiale. En mai 1940, durant la bataille de France, une contre-attaque alliée est lancée depuis la ville pour freiner l’avancée allemande et contrer la stratégie éclair de la Blitzkrieg.

Cette opération permet de :

  • ralentir la Wehrmacht,
  • soutenir l’évacuation des forces alliées à Dunkerque, connue sous le nom d’opération Dynamo.

Arras, ville martyre et de résistance, porte encore les traces visibles et invisibles de ces deux batailles majeures. Son histoire militaire en fait un lieu de mémoire incontournable.